Direction l'ingénierie Au Québec, les femmes ne représentent encore que 15 % des ingénieurs, ce qui en fait une des professions où les femmes sont le moins bien représentées dans la province[1] . Toutefois, il y a de l’amélioration : on compte quatre fois plus de femmes en ingénierie aujourd’hui qu’il y a 30 ans.
Sophie Boudreau a toujours adoré l’école : « Apprendre, c’est une véritable passion chez moi et c’est relativement facile; j’ai de la chance, mais je mets les efforts. » Dès l’adolescence, avec son père, Sophie s’initie à l’astronomie amateur. Elle développe un intérêt pour l’espace, les fusées. « Le génie aérospatial, ça cochait toutes les cases. »
[1] Selon les données compilées par l’Ordre des ingénieurs du Québec
Conseil d’expérience Pour Sophie, il ne fait aucun doute que sa mère, ingénieure en mécanique, a dû batailler fort pour être là où elle est aujourd’hui. « Heureusement, les choses sont plus simples pour les jeunes générations. Ma mère m’a toujours dit que si elle avait à refaire son parcours académique, elle commencerait par suivre un cours technique, et c’est ce qui m’a amenée au DEC en techniques de génie aérospatial. »
Elle visite les locaux de l’ÉNA et est conquise : « C’est une école unique au monde! Nos professeurs ont tous travaillé dans l’industrie; ils sont investis dans notre réussite et ils ont tous des parcours intéressants. On ressent vite un sentiment d’appartenance et de fierté à L’ÉNA. J’ai l’école tatouée sur le cœur. »
Pour suivre cette formation collégiale, la jeune gatinoise a déménagé à Saint-Hubert alors qu’elle avait à peine 17 ans. Elle a aménagé dans les résidences scolaires. « Les premiers temps, c’était difficile de me retrouver si loin de chez moi, raconte-t-elle, j’étais jeune, c’était un Nouveau Monde pour moi, et puis il y a eu la pandémie qui nous a obligés à demeurer chacun devant notre ordinateur. Heureusement, il me restait les laboratoires qui se déroulaient à l’école, et je me suis fait des amis. »
Hésiter, mais sans se décourager Sophie confie avoir remis en question son choix d’orientation, notamment lorsqu’elle s’est retrouvée en classe de soudure ou d’usinage, devant un tour ou une fraiseuse, ne sachant pas du tout comment fonctionnent ces équipements : « Je me demandais dans quoi je m’étais embarquée! Mes professeurs ont été géniaux ; je n’ai jamais été la meilleure, mais je me suis constamment améliorée. Avec mes camarades, c’était un climat d’entraide. La formation nous permet de toucher à une foule de techniques captivantes, dont la modélisation 3D. J’ai tellement appris! »
La formation en technique de génie aérospatial Le DEC-BAC assure aux étudiants de suivre tous les cours préalables à leur entrée aux études supérieures; à l’obtention de leur diplôme, certains crédits leur sont octroyés par les universités, ce qui permet un horaire un peu moins chargé pendant la formation universitaire. « Grâce à ma formation technique, j’ai aussi accès à des stages plus facilement. », considère Sophie.
S'investir pour mieux s'intégrer Pour Sophie, une des clés pour s’intégrer dans une nouvelle école est de se joindre aux activités parascolaires. Adolescente, elle se passionnait pour la danse de compétition, les concours de mathématiques et de génie. Au cégep, elle a rejoint l’équipe de cross-country, puis différents clubs : « Les clubs nous permettent de mettre en pratique les notions apprises, de revoir nos modes de pensée, nos façons de faire. Je crois que cela rend notre parcours plus intéressant. »
En situation minoritaire à l’ÉNA, l’étudiante dit avoir bénéficié d’un environnement inclusif, et avec les autres filles, elles ont démarré l’association des filles engagées de l’ÉNA, proposant, entre autres, des visites d’entreprises, des activités de réseautage et du mentorat. « Nous avions envie de bâtir pour les filles, de nous entraider et de permettre un meilleur accès aux ressources de l’école. » Elle a été aussi nommée ambassadrice pour l’école.
Passion? Compétitions! C’est en observant les banderoles soulignant les performances d’anciens étudiants que Sophie a eu le désir de s’investir dans les Olympiades des métiers et des technologies : « Je me suis dit : moi aussi, je veux apparaître sur une de ces banderoles! » Avec l’aide de sa professeur Julie Gosselin —elle-même ancienne participante aux Olympiades— elle s’est entraînée pour compétitionner en conception et dessin et assisté par ordinateur (DDAO) tout en menant de front sa dernière session de cégep.
Au Centre de foires de Québec, selon les mots de la jeune technicienne, c’était fou ! « Pendant les deux jours de compétition, chacun est dans sa bulle, c’est intense et comme l’épreuve est conçue de manière que nous ne soyons pas en mesure de la compléter, on en sort tous un peu découragés. Finalement, c’est la personne qui a le mieux performer qui l’emporte. Je suis arrivée 4e et j’ai obtenu un médaillon d’excellence. » De cette expérience, Sophie dit avoir gagné de nouveaux amis, et des connaissances : « Les Olympiades m’ont permis de vivre un fort sentiment d’appartenance pour mon école, ma région, et de mieux connaître mes professeurs. C’est une aventure unique. »
Un métier du génie Les techniciennes et les techniciens en génie aérospatial participent à la conception des pièces de moteurs et des composants de structures d’aéronefs. Ils conçoivent de l’outillage pour la fabrication, élaborent les gammes de fabrication des pièces et développent des méthodes de contrôle de qualité et de tests. C’est un métier du secteur industriel qui demande des aptitudes pour les sciences, le calcul et le dessin technique.
Pour un deuxième été, Sophie a la chance d’être en stage chez Pratt & Whitney Canada, un constructeur de moteurs d'avions. « Je suis ce qu’on appelle dans l’entreprise une étudiante d’été, et je touche un peu à tout. Lorsque mes tâches me le permettent, j’observe, je questionne les machinistes. Il y a tellement à apprendre sur le terrain; c’est une opportunité incroyable! »
Cet automne, elle entreprend des études supérieures en génie à la Polytechnique Montréal. Elle envisage de faire une maîtrise. Par la suite, elle s’orientera vers l’industrie motoriste ou pour un fournisseur de systèmes et de composants de trains d'atterrissage. Son rêve ultime? Travailler en aérospatiale et plus particulièrement pour l’Agence spatiale canadienne (ASC).
« Je n’ai pas eu à me battre pour être où je suis, mais je sais que les femmes ne l’ont pas toujours eu facile et qu’encore aujourd’hui, on a tendance à travailler peut-être un peu plus fort pour faire notre place. »
Sophie Boudreau, diplômée en technique de génie aérospatial
Besoin de modèles Pour inciter les jeunes filles à découvrir les métiers du génie, il faut mieux faire connaître le parcours de femmes ingénieures, leurs réalisations et toutes les facettes du métier, considère Sophie : « Grâce à ma mère, à son exemple, je ne me suis jamais mis de limite. Dans ma tête, les femmes ont toujours leur place. » Récemment, elle a commencé à s’intéresser aux parcours des femmes en science, de Marie Curie à Farah Alibay, ingénieure aérospatiale. « Lorsqu’on est une fille et qu’on prend le chemin d’un métier traditionnellement masculin, c’est normal de se questionner. Il faut de la résilience. S’entourer de bonnes personnes. Ignorer les mauvais commentaires. Rester forte et mettre les efforts. », conclut-elle.