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Béatrice Lord, la FPT comme tremplin vers ses rêves

Publié le : 9 juillet 2020
Béatrice Lord, la FPT comme tremplin vers ses rêves

Les préjugés sur les métiers traditionnellement masculins n’ont jamais freiné Béatrice Lord : « Je n’en fais qu’à ma tête, raconte-t-elle avec aplomb. Je rêve d’un temps sans patronizing, où les commentaires désobligeants et condescendants s’éteindraient avec notre génération pour que les générations suivantes puissent choisir leur voie sans barrières ».

Une vie, plusieurs métiers

Une vie, plusieurs métiers
Béatrice Lord, médaillée aux olympiades québécoises, est diplômée d’un double DEP en mécanique industrielle et électromécanique de systèmes automatisés et d’un DEC en électronique industrielle.

Native de l’Outaouais, Béatrice Lord a connu un changement de carrière à la mi-trentaine. Un trait caractérise les deux secteurs dans lesquels elle a évolué : ce sont des milieux traditionnellement masculins.

À 17 ans, elle a déménagé à Sainte-Thérèse dans les Laurentides afin d’y suivre une formation collégiale en Technique et gestion de scène au Collège Lionel-Groulx. Elle a ensuite travaillé 10 ans en théâtre, connu de belles aventures de création, a voyagé, puis elle a suivi son conjoint en Estrie et a donné naissance à deux enfants. Après une période de chômage, peinant à trouver du travail dans son domaine dans sa nouvelle région et avec la difficile conciliation travail-famille avec la vie de tournée, Béatrice décide de se réorienter : « Un de mes oncles travaillait au ministère de l’Éducation dans le secteur de la formation professionnelle. Il connaissant mon intérêt pour la mécanique et m’a orienté vers différentes lectures qui ont balisé ma réflexion ».

Un métier aux multiples facettes

Un métier aux multiples facettes
Béatrice Lord a remporté la première place en mécanique industrielle aux Olympiades québécoises en 2016, une première !

Pourquoi a-t-elle choisi l’Électromécanique de systèmes automatisés? « J’ai toujours aimé la mécanique, pris plaisir à aider mon père pour les travaux manuels autour de la maison. L’électromécanique de systèmes automatisés fait appel à la plomberie, à la pneumatique, à l’hydraulique, à la soudure, à l’électricité et à la programmation. C’est une carrière aux défis nombreux et variés, puisqu’elle peut s’exercer dans différents milieux. Dans le reste du Canada, ils appellent les mécaniciens industriels les « Doctors of industry », je trouve que cela résume assez bien ».

Retour aux études

Retour aux études
« Il faut aider les filles à persévérer, car plus de filles amèneront …plus de filles! »

Béatrice a 33 ans lorsqu’elle débute sa formation en Électromécanique de systèmes automatisés en 2015 à l’École des métiers du Sud-Ouest-de-Montréal (ÉMSOM), auquel elle ajoutera un autre DEP, de soir, en mécanique industrielle, en plus d’un entraînement intensif pour les Olympiades des métiers. Une formation qu’elle a jugée « pertinente, donnée par des enseignants bien collés aux besoins de l’industrie et avec un parc d’appareil à la fine pointe des tendances ». La conciliation études-famille? « Tout s’est bien déroulé, j’avais droit aux prêts et bourses, et l’horaire fonctionnait bien avec la garderie. Lorsque les Olympiades se sont ajoutées, j’ai eu de l’aide de mes proches ». Seule fille avec une vingtaine de gars, Béatrice se rappelle que les enseignants commençaient souvent les cours et les explications par un grand "Messieurs" haut et fort : « Je me suis toujours fait un plaisir de me racler la gorge et tousser très fort pour qu'on me salue et m'interpelle aussi. Si bien qu'à la fin de ma formation, c'était "Madame, Messieurs" qui commençaient les allocutions ».

Une championne aux Olympiades

Béatrice vient tout juste de terminer sa première année de formation lorsqu’on lui propose de tenter sa chance aux Olympiades des métiers : « J’étais une élève gonflée à bloc, j’avais déjà un bon bagage avec ma formation en techniques de scène, et les enseignants ont vu ma motivation et mon désir de performer ». Elle est inscrite comme candidate en mécanique industrielle, dans son « deuxième » DEP : « Il y avait de nombreux modules que je n’avais pas couverts, notamment l’équilibrage et l’analyse des vibrations, alors j’ai dû mettre les bouchées doubles ». Béatrice étudie le midi, s’entraîne le soir après les cours selon un plan de match rigoureux qu’elle a mis au point.

Aux finales québécoises, elle donne tout ce qu’elle peut, remportant la première place, une première pour une fille. Ce n’est qu’après qu’elle réalise qu’elle doit maintenant se préparer pour les finales canadiennes qui se tiennent cette année-là à Moncton, et rattraper la matière qu’elle n’a pas encore vue en classe. « Il a fallu à mon coach tout le trajet entre Québec et Montréal pour me convaincre », confie-t-elle. Elle se rappelle avoir vécu cette deuxième expérience avec davantage de stress et moins de plaisir. Elle finira 5e. « J’ai donné le meilleur de moi-même. Malgré mes réserves, cette expérience m’a confirmé que j’étais au bon endroit, et dans les meilleurs diplômés au pays dans mon métier ». La même année, elle remporte le prix Technologies de pointe du ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation du concours Chapeau, les filles! qui souligne la volonté et le travail des femmes inscrites à un programme de formation dans une discipline des sciences et des technologies menant vers l’exercice d’un métier traditionnellement masculin. La profession d’électromécanicienne constitue un exemple flagrant. Selon les données du dernier recensement de Statistiques Canada (2016), 170 femmes exercent cette profession au Québec, soit une proportion de 2,59 %.

Vers son job de rêve

Vers son job de rêve
…notamment par la production d’article sur la place des femmes, la diffusion de modèles auxquels s’identifier et la mise en valeur de l’apport des femmes.

Après son DEP, Béatrice réalise un stage chez VIA Rail où on lui offre un emploi, mais elle décide de profiter de la passerelle vers le DEC offert au Cégep André-Laurendeau. Elle poursuit son parcours au niveau collégial en électronique industrielle avant d’entrer sur le marché du travail à l’automne 2018. Elle travaille un an et demi chez Hatch, une firme d’ingénierie comme technologue dans le département Contrôle, Électricité et Automation puis, en 2019, elle obtient un emploi de designer en technologies et équipements spécialisés chez Scéno Plus.

Cette entreprise d'expert-conseil en scénographie œuvre dans le design de salle de spectacles à l'échelle internationale : « C’est une PME que j’admire depuis longtemps. Nous participons à la création de salles de théâtre à Las Vegas, au Japon, en Thaïlande. J’évolue au sein d’une petite équipe tissée serrée à Montréal. Nous venons de terminer le projet du Hard Rock Live, en Floride, un amphithéâtre de 6 500 places, le plus grand en Amérique ».

Si l’accès à un métier non traditionnel semble facilité par la pénurie de main-d’œuvre, certains obstacles se dressent encore sur le chemin de l’égalité, selon Béatrice Lord. Son intégration auprès de ses collègues masculins s’est toujours bien déroulée, mais elle rappelle qu’une femme a besoin de faire sa place, peu importe le milieu de travail : « La première journée dans un centre de formation professionnelle, dans une shop ou dans une salle de spectacle avec d’autres techniciens, on peut avoir l’impression de marcher dans un meat market, et c’est bien de montrer les dents et de rabrouer les gars qui te reluquent. Bien souvent, ça suffit pour se faire respecter et pouvoir se concentrer sur le boulot, explique-t-elle. Maintenant, alors que je travaille dans un bureau avec des ingénieurs, c’est plus délicat de faire cesser le mansplaining1 ». Celle qui n’a pas peur de s’afficher comme féministe philosophe : « On gagne certaines batailles, on s’adapte, on doit se redéfinir, mais on n’a pas encore fait tout le chemin ».

Après un parcours aussi remarquable, Béatrice donne ce conseil pour aider les femmes à se lancer plus nombreuses dans une profession à prédominance masculine : « Il faut que l’on retrouve plus de littérature sur les parcours féminins en science, en technique afin que nous trouvions notre crédibilité, notre légitimité. Souvent, les filles abandonnent dès les premiers obstacles auxquels elles font face lors de leur formation, comme si les difficultés venaient valider les préjugés de l’entourage sur les jobs de gars, jobs de filles. Il faut aider les filles à persévérer, car plus de filles amèneront… plus de filles! »

Pendant la guerre, les femmes ont fait rouler les usines de l’Amérique, coulant du ciment, fabriquant des fusils, réparant des locomotives et après, on leur a dit, c’est bon, vous pouvez retourner à la maison !

Béatrice Lord, designer en technologies et équipements spécialisés

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