Une expérience au cégep Née à Sorel-Tracy, Jade Niles est la fille d’un réparateur d’ordinateurs, originaire des États-Unis, et d'une mère infirmière. Parfaitement bilingue, Jade a suivi toute sa formation en anglais sur la Rive-Sud de Montréal. Après le secondaire, elle s’est inscrite au cégep en criminologie, où elle a étudié pendant deux ans. « C’était un secteur passionnant, mais il y avait trop de tâches de bureau et de temps à l’ordinateur pour moi, commente-t-elle. Moi, j’aime que ça bouge, je veux être dehors, travailler de mes mains, sur le terrain. » Après avoir abandonné ce DEC, Jade a travaillé pendant quatre ans comme technicienne en pharmacie. « C’était clair pour moi que ce ne serait pas mon travail pour la vie, j’avais le goût d’autre chose. »
Une formation passionnante Quand elle se sent enfin prête à retourner à l’école, Jade entreprend des recherches sur les métiers de la construction. Après avoir épluché les descriptifs de tous les DEP, elle retient la formation en briquetage et maçonnerie offerte au centre ACCESS de Brossard : « Non seulement j’y apprends le métier de briqueteuse, mais aussi la taille de pierre, ce qui est vraiment mon matériau de prédilection. J’adore les pierres naturelles et je rêve, un jour, de construire la façade de ma maison avec des pierres que j’aurai choisies et taillées moi-même. » Parmi les autres éléments qui ont orienté son choix, l’apprentie mentionne la formation en anglais, et le fait de continuer son cheminement dans la même commission scolaire qu’elle fréquentait pendant ses études secondaires. « La gentillesse et l’écoute des enseignants sont exceptionnelles. On profite d’un soutien génial de tout le personnel. Même la direction a à cœur notre réussite. C’est vraiment comme une famille! Dès le premier jour, j’ai trippé, » dit-elle avec chaleur.
Parmi les initiatives qui font une différence à son centre de formation, Jade mentionne l’application Headspace mise à la disposition des élèves pour les aider à gérer le stress, entre autres choses. Elle fait aussi partie d’un groupe de soutien pour les femmes, le Students support group mis sur pied par la Commission scolaire English Montreal : « Une fois par mois, on partage nos histoires, nos réalités, nos challenges lors d’une réunion Zoom, raconte-t-elle. Comme je suis la seule fille dans mon cours, c’est vraiment agréable de participer à ce groupe d’entraide avec d’autres femmes. »
« Le fait de se retrouver en minorité ne lui cause pas de difficulté particulière. « Je ne me stresse pas avec ça [être en situation de minorité dans mon travail], j’ai toujours l’habitude d’essayer de m’inclure dans les groupes de gars, j’ai de l’entregent et j’ai une attitude positive. »
Jade Niles, élève en briquetage maçonnerie Choisir un métier traditionnellement masculin Parmi Ies secteurs de la construction où les femmes peinent à se faire une place, le métier de briqueteuse-maçonne a toujours été identifié comme un des moins favorables. « Ça prend du courage pour décider d’en faire son gagne-pain et aussi d’être capable de mettre son pied à terre, » considère Jade lorsqu’on la questionne sur les aptitudes nécessaires pour entreprendre un parcours comme le sien.
Le fait de se retrouver en minorité ne lui cause pas de difficulté particulière. « Je ne me stresse pas avec ça, j’ai toujours eu l’habitude d’essayer de m’inclure dans les groupes de gars, j’ai de l’entregent et je suis positive. » Déterminée, patiente, Jade croit que ces qualités sont aussi celles qui l’aideront à se développer comme briqueteuse et maçonne, un métier qu’on apprend à l’école, mais aussi durant toute une vie.
Un des premiers métiers du monde Le métier de tailleur de pierre est né dans l’Antiquité. Pour Jade, c’est le côté artistique qui demeure le plus passionnant dans cette carrière qu’elle va débuter bientôt. « Il faut partir d’un bloc de pierre afin qu'il s'intègre parfaitement dans une construction, dans la conception d'un ouvrage, alors c’est très technique. Il y a beaucoup de coupes, tout doit être réalisé avec précision. Il faut que ce soit visuellement impeccable. Ça demande beaucoup de dextérité manuelle, de sens esthétique, de patience et de minutie. »
En tant que briqueteuse, Jade aura aussi à tailler, à scier et à poser des briques pour en faire des murs. Elle devra s’assurer que les teintes soient bien assorties, que les ouvrages respectent des règles précises. Elle pourra avoir à construire des cloisons de béton ou à réparer des éléments de maçonnerie. N’est-ce pas un métier trop exigeant physiquement ? « Oui, cela nécessite une bonne endurance physique, admet la jeune femme, car il faut soulever des matériaux très lourds. Moi, je suis petite — 5 pi 1 po — mais je m’entraîne au gym à soulever des poids et je suis en forme. N’empêche, je suis bien contente que les gars m’accommodent. Jusqu’à maintenant, je me sens bien intégrée et supportée. Après tout, c’est un travail d’équipe et l’important, je crois c’est d’avoir la bonne attitude, celle de quelqu’un qui est prêt à apprendre, qui communique et qui donne tout ce qu’elle peut. »
Projet de fin d'études À quelques mois de terminer sa formation, Jade doit déterminer le projet personnel qui complétera son parcours : « Mes parents sont fiers de moi, ils sont impliqués et ils me soutiennent. »
Son enseignant lui a aussi proposé de participer à une compétition amicale Québec vs France qui se tiendra en mars 2024 à l’école en compagnie de quelques apprentis maçons en visite de la France. « C’est important de promouvoir les métiers et les filles dans les métiers traditionnellement masculins, » croit Jade.
Cette compétition inédite doit permettre de rapprocher les experts des deux nations. Le fil directeur de cet échange d’expertise est le Mondial des métiers qui se tient à Lyon en septembre 2024 et au cours duquel le métier de Tailleur de pierre sera mis au premier plan.
Soutenue par les entreprises Carrières Ducharme et St-Denis Thomson, cette compétition vise à valoriser le métier de Tailleur de pierre et à soulever l’importance pour le Québec de s’appuyer sur une relève compétente et capable d’assurer la pérennité du patrimoine québécois.
Carrière et perspectives professionnelles Étant donné que le secteur du briquetage et de la maçonnerie est toujours à la recherche de main-d’œuvre spécialisée, Jade ne craint pas le chômage. Même les débutants n’ont pas de difficulté à trouver un emploi après l’obtention de leur diplôme : « J’ai déjà été engagée par Les ateliers Régis Eroyan, confie-t-elle avec fierté. Je travaillerai en taille de pierre, par exemple à réaliser des colonnes ou des escaliers. »
Elle rêve aussi de collaborer à la restauration de monuments historiques : « J’aimerais aller en France afin de me perfectionner. J’ai envie de développer mon sens artistique et de voir du pays. Réparer des statues, des gargouilles. En fait, avec mon syndicat international, j’ai la chance de travailler un peu partout dans le monde pour le même salaire qu’au Québec, j’ai l’intention d’en profiter pour vivre des expériences d’enrichissement. »