Amélie Laferrière, 29 ans, n’est pas du genre à se fondre dans la masse. Du haut de son 1,83 mètre, cette grande silhouette élancée impose le respect sur les chantiers de la Montérégie. Monteuse d’acier, elle assemble avec une précision chirurgicale poutres, colonnes et poutrelles, donnant vie aux squelettes métalliques des immeubles qui ponctuent le paysage québécois. «J’ai un véritable coup de cœur pour tout ce qui concerne l’acier», souligne-t-elle, les yeux brillants.
De la soudure aux hauteurs

Avant de grimper sur les charpentes, Amélie a manié le chalumeau pendant cinq ans. «J’ai adoré le métier de soudeuse», raconte-t-elle, mais l’appel d’un nouveau défi s’est fait sentir. Mère d’un petit garçon de six ans, elle a choisi de retourner sur les bancs d’école pour suivre le DEP en Montage structural et architectural au Centre de formation des métiers de l’acier, à Montréal – le seul établissement au Québec à offrir ce programme de 1230 heures.
«J’avais envie d’aller plus loin, d’évoluer, d’essayer quelque chose de nouveau.» C’est en scrollant sur Internet qu’elle découvre ce métier qui la fait vibrer. Une vidéo, une discussion en ligne sur la page Les femmes dans la construction, puis un coup de fil avec une rare monteuse d’acier du Québec allument l’étincelle. «Elle m’a donné des conseils et m’a inspiré ce rêve d’intervenir sur la structure des bâtiments.»
Un parcours forgé dans l’effort et le concret

Enfant, Amélie n’était pas de celles qui restaient sagement assises. «J’étais une bonne élève, mais très énergique, un peu hyperactive. J’ai toujours aimé ce qui bouge, jouer avec les garçons.» L’école, elle l’a menée à terme avec de bons résultats, mais l’idée de s’éterniser au cégep ou à l’université lui donnait des sueurs froides. «Je ne me voyais pas continuer là-dedans. Je voulais un métier manuel, un emploi où je réalise des choses concrètes et utiles.» L’acier, avec sa force brute et sa versatilité, est devenu son terrain de jeu.
Le DEP en Montage structural et architectural n’a pas été une promenade dans le parc. Contingenté, le programme exige un test psychométrique pour évaluer les aptitudes au travail d’équipe – un préalable qui n'a pas découragé pas Amélie. «J’ai dû tout apprendre de A à Z, et c’est un vrai coup de cœur. J’ai été très bien formée.» Si ses parents et son entourage ont d’abord douté de sa réorientation – «Ils ne m’ont pas encouragée dans ma démarche» –, elle trouve au centre de formation des enseignants passionnés qui croient en elle.
«J’ai croisé des gens qui m’ont accompagnée. Si j’avais des doutes au départ, j’ai gagné en confiance, j’ai développé mes compétences. Je suis très reconnaissante de ce qu’ils ont fait pour moi»
Une femme dans un monde d’hommes

Dans le montage structural, les femmes sont une exception. Selon la Commission de la Construction du Québec (CCQ), en 2023, elles ne représentent que 1,7 % des 3477 monteurs-assembleurs au Québec – 59 femmes face à 3418 hommes. Amélie est souvent la seule femme sur ses chantiers. «Lorsqu’on s’intéresse aux métiers traditionnellement masculins, on se retrouve en minorité, mais comme monteuse d’acier, c’est plus que ça: je suis absolument seule.» Ce statut d’exception a ses défis. «Oui, j’ai douté de moi. Oui, je me suis remise en question. Les gars se demandaient s’ils pourraient compter sur moi.» Mais à force de travail acharné, elle a fait taire les sceptiques. «J’ai gagné en confiance et j’ai prouvé que j’avais les aptitudes.»
Pas toujours rose
«La discrimination, c’est une réalité avec laquelle il faut composer», admet-elle. Préjugés tenaces, regards en coin, commentaires déplacés: le milieu de la construction reste marqué par une culture masculine homogène. Pourtant, Amélie ne baisse pas les bras. «Oui, je suis féministe. Je vais toujours défendre la place des filles dans la construction.»
Sa réponse aux obstacles? «De la force de caractère. C’est ce qu’il faut pour embrasser une carrière dans un chemin moins fréquenté.» Et sur le terrain, elle a su se faire accepter. «Aujourd’hui, les gars m’adorent. J’ai ma place dans mon équipe.»
L’acier, une passion qui transcende

Amélie ne se contente pas de survivre dans ce métier: elle y excelle. Après 6000 heures comme apprentie, elle obtient son statut de compagnon, un sésame qui consacre son expertise. Chaque matin, elle reçoit ses directives et travaille en autonomie, appliquant des techniques de soudage, de boulonnage et de gréage avec une précision d’orfèvre. «Le travail se fait souvent en hauteur. Il demande de la minutie, une bonne perception spatiale et beaucoup d’autonomie.» Pas de place pour le vertige ou la négligence: la sécurité est une obsession, et la ponctualité, une nécessité pour ne pas freiner le chantier.
Ce qu’elle aime par-dessus tout? Les vétérans du métier. «Ce sont mes personnes préférées. Ils connaissent le métier sur le bout des doigts et partagent leurs trucs, leurs expériences. Ils m’inspirent.» Et puis, il y a les avantages concrets. « En construction, les salaires sont attrayants», glisse-t-elle avec un sourire. Mais au-delà de l’argent, c’est la fierté qui la porte. «Je suis fière de mon parcours et de mon métier.»
«Avec ce métier, j’ai l’impression de faire ma marque dans l’histoire, de pouvoir observer des édifices que j’ai contribué à bâtir autour de moi. C’est très satisfaisant.»
Un message aux futures monteuses
À celles qui hésitent à se lancer, Amélie lance un appel vibrant: «Let’s go! Le chemin n’est pas facile, la route n’est pas pavée, c’est encore un chemin de terre, mais les gars sont prêts à nous accueillir, les entreprises nous attendent, et j’adore mon job.» Elle sait que les femmes ont un rôle à jouer pour transformer ce secteur. Si les initiatives pour encourager les filles à intégrer la construction se multiplient, les obstacles persistent. Mais Amélie y croit: le vent tourne, lentement mais sûrement.
Le métier de monteuse de structures d'acier, c'est quoi?

Les monteuses et les monteurs de charpentes métalliques assemblent des poutres, des colonnes et d’autres éléments de structure en acier. Ils installent des escaliers, des accès en acier et des composants préfabriqués : panneaux, dalles, murs, etc. Ils posent des recouvrements ornementaux et effectuent des travaux de soudage et de boulonnage. Le montage structural et architectural est un domaine du secteur industriel qui s’exerce à l’extérieur et qui convient aux personnes ne ressentant pas le vertige et qui ont une bonne endurance physique. Un emploi comme monteur de charpentes métalliques convient aux personnes minutieuses, autonomes et responsables.
- Durée de la formation: 11 mois
- Salaire horaire moyen: 42,00$