«Pourquoi pas moi!?»

L'histoire d'Alex ne commence pas dans un atelier, ni dans une école spécialisée, mais dans les coulisses de la vie. «J’étais revenue d’un voyage, et avec mon ex-conjoint, on cherchait un emploi. C’est alors que mon frère, plombier de métier, m’a parlé de la possibilité de travailler avec un charpentier»
Mais un proche lui lance que ce n’est pas un métier pour elle. Ce commentaire choque, mais surtout, il réveille une flamme. «Cela m’a choquée. Mais ça a piqué ma curiosité. Pourquoi est-ce que je ne pourrais pas faire ça?»
Elle s’est alors plongée dans des recherches sur le métier de charpentière-menuisière, en parlant autour d’elle et en explorant une voie professionnelle qui, à première vue, semblait bien loin de son parcours initial. Formée en arts visuels, Alex a longtemps exprimé sa créativité à travers l’art, avant de partir à la découverte du monde lors de plusieurs années de voyage. Pourtant, avec le recul, chaque expérience, chaque détour l’a préparée à bâtir sa place dans un métier où elle se sent aujourd’hui pleinement à sa place.
Apprendre à bâtir

À 30 ans, Alex s’inscrit au DEP en Charpenterie-menuiserie au Centre de formation professionnelle 24-Juin, à Sherbrooke. Un âge où changer de voie en construction peut intimider, mais pas elle. «Quand je suis arrivée là, c’était un monde nouveau, un défi de tous les jours. D’un côté, c’était beaucoup, mais d’un autre côté, c’est ce qui m’animait.»
Elle se lie aussi d’amitié avec une autre femme de sa cohorte. «C’était super d’avoir quelqu’un avec qui partager l’expérience. Je pense que je l’aurais fait seule, mais ça m’a vraiment aidée à persévérer.» Ensemble, elles traversent les obstacles du programme, construisant non seulement des structures, mais aussi leur avenir dans un métier traditionnellement masculin.
Après l’obtention de son diplôme, Alex entre sur le marché du travail sans rencontrer d’obstacles liés à son genre. «J’ai travaillé dans une entreprise de rénovation, où l’on doit être polyvalent, et ensuite dans une compagnie de maisons neuves. À chaque fois, je me suis sentie bien dans l’équipe, comme faisant partie intégrante du groupe.» Pour elle, la rénovation est un défi technique autant qu’humain; une recherche constante de solutions concrètes.
Le regard des autres
Toutefois, malgré cette intégration réussie, Alex n'échappe pas à certaines situations où elle se sent observée, analysée. «Parfois, je sens la pression du regard des autres, en particulier des hommes. C’est comme si, quand je vais dans un centre de rénovation en portant mes vêtements de chantier, je suis une étrangère, un extra-terrestre.» Ces regards, qu’elle trouve parfois lourds, sont souvent liés à des stéréotypes de genre ancrés dans le milieu. Mais ces petits moments de malaise renforcent son idée.
«Si on veut changer cela, il faut qu'il y ait plus de femmes dans ce domaine.»
«Je pense qu'encourager les formations dans des métiers traditionnellement masculins auprès des femmes peut vraiment changer les choses, notamment en milieu scolaire. Plus de modèles féminins dans ces secteurs, surtout au niveau secondaire, permettraient de susciter des vocations. Pour ma part, en tant que travailleuse dans la construction, il ne faut pas avoir peur de montrer sa présence, même après le travail : porter ses vêtements de chantier en faisant ses courses, par exemple, c’est une manière d’être visible et de briser les stéréotypes.»
Construire autrement
Artiste et charpentière, Alex développe aujourd’hui une autre ambition: la construction écologique. Elle a participé à des ateliers aux États-Unis pour se former à des techniques naturelles comme les enduits à la chaux. «J’aimerais vraiment ramener ces pratiques au Québec. C’est encore assez marginal ici, mais il y a un potentiel énorme pour intégrer ces techniques dans le domaine de la construction.»
Son rêve: un secteur du bâtiment plus durable, plus humain. Elle milite pour une approche inclusive et écoresponsable, où les pratiques vertes s’allient à une réelle ouverture à la diversité. Pour Alex, bâtir autrement, c’est aussi repenser les valeurs fondamentales du monde de la construction.
Le rêve d’une construction plus inclusive

«Pourquoi les femmes hésitent-elles à entrer dans ce métier? Parce que pendant des années, elles ont été exclues de ce milieu. Mais l’intimidation peut être surmontée.»
Le chemin parcouru par Alex est la preuve que les barrières peuvent être franchies, que les femmes, tout comme les hommes, peuvent exceller dans des métiers traditionnellement masculins. Elle le dit elle-même: «Le milieu de la construction est encore très homogène. Mais la diversité, c’est ce qui permet de pallier les faiblesses des uns et des autres. Si on veut une construction plus inclusive, il faut une approche plus ouverte, qui soit plus éthique et équitable.»
Une révolution douce, mais qui ne demande qu’à se faire.
Le métier de Charpentière-menuisière, c’est quoi? Les charpentiers-menuisiers et les charpentières-menuisières construisent des bâtiments, installent et réparent des armoires de cuisine, des escaliers, des portes, des fenêtres et des structures. Ils procèdent à la démolition, isolent des murs et plafonds et réalisent la finition intérieure et extérieure de bâtiments. Dans l’industrie de la construction, c’est un métier rigoureux et valorisant qui exige des aptitudes en calcul, une excellente vision et bon sens de l’équilibre, même en hauteur. Il convient aux personnes perfectionnistes et sachant faire preuve d’initiative et d’analyse.
- Secteur: Bâtiment et travaux publics
- Durée de la formation: 13 mois
- Salaire horaire moyen: 35,00 $