D’un rêve d’infirmière à un besoin d’action

Le parcours d’Alexia ne laissait pas présager une carrière dans les airs. Adolescente, elle rêvait de devenir infirmière. «J'avais beaucoup d'empathie. Je voulais aider les gens, travailler avec les personnes âgées», explique-t-elle. Au secondaire, elle a suivi tous les cours nécessaires — chimie, physique, sciences et mathématiques fortes — pour préparer son entrée en soins infirmiers au cégep. Mais la réalité l’a vite rattrapée. «Être assise pendant un cours de trois heures, je n'étais pas capable. Je trouvais ça vraiment trop difficile», confie-t-elle. L’ambiance du cégep, les longues heures assises, la passivité des cours: rien ne lui convenait. Alexia sentait que sa place n’était pas là.
Le déclic d'une nouvelle passion

Dans l’impasse, Alexia a rencontré une conseillère d’orientation avec qui elle a exploré plusieurs options: plomberie, électricité, métiers de la construction. Rien ne déclenchait l’étincelle, jusqu’au jour où elle est tombée sur une vidéo de montage de lignes. «Ce qui m'a frappée, c'est que tu ne travailles pas à terre ou assis, tu travailles dans les airs. C'était vraiment malade», s'enthousiasme-t-elle. Pour une jeune femme en quête d’action, de défis physiques et de liberté, c’était la révélation.
Grandir dans un univers masculin
Le fait que ce métier soit presque exclusivement masculin ne l’a pas freinée. Élevée par un père mécanicien et propriétaire de garage, Alexia a grandi dans un environnement où le dépassement de soi allait de soi: «Mon père m’a toujours poussée». Chasseuse depuis son jeune âge, habituée à côtoyer les amis de son père lors de sorties en forêt, elle n’a jamais eu peur des univers masculins. «J'ai toujours été avec plus de gars que de femmes», précise-t-elle.
Une formation exigeante en Gaspésie
Devenir monteuse de ligne exigeait un DEP en montage de lignes électriques et de télécommunication d’une durée de neuf mois. Elle opte pour le Centre de formation professionnelle de la Haute-Gaspésie, à Sainte-Anne-des-Monts, qui se situe à plus de cinq heures de route de chez elle. Pour se constituer un coussin financier, Alexia a travaillé pendant un an chez Prévost, le fabricant d’autobus de Sainte-Claire, après avoir quitté les soins infirmiers. «Je voulais avoir un bon coussin pour ma formation là-bas», explique-t-elle.
À dix-huit ans, elle s’est donc retrouvée en Gaspésie, seule femme dans une classe de trente élèves. Loin de la déstabiliser, cette situation l’a stimulée. Logée dans une maison de chambres avec quatre autres étudiants en montage de lignes, elle a rapidement tissé des liens et trouvé sa place dans cette nouvelle vie.
Le goût du dépassement

Les premiers mois ont été éprouvants. La formation commence par l’apprentissage de l’escalade à l’éperon, une technique où il faut grimper des poteaux de 55 pieds.
«Tu as cinq montées à faire. À chaque fois, tu as une minute et demie pour monter, une minute et demie pour descendre», décrit Alexia. Le stress était intense.
«J’étais loin de ma famille. Le soir avant mon examen, j’allais courir parce que j’avais peur de ne pas avoir assez de cardio», se souvient-elle.
Elle s’était d’ailleurs fait une promesse: «J’ai dit à mon père: si je ne suis pas acceptée, je ne reviendrai pas l’année prochaine. Ça voudra dire que ce métier n’est pas fait pour moi», confie-t-elle. Mais Alexia a réussi, surmontant même son vertige initial. «À un moment donné, ta tête oublie la hauteur. Tu travailles complètement concentrée, tu oublies où tu es», explique-t-elle. Cette pratique quotidienne lui a permis de développer non seulement ses compétences, mais aussi une confiance en elle qui ne l’a plus jamais quittée.
L'apprentissage du métier

Le DEP en Montage de lignes électriques et de télécommunications s’étale sur trois modules de trois mois chacun. Ce qui l'a le plus passionnée? « C'était vraiment le trip de gang. Tout le monde venait de partout: Montréal, Sherbrooke, l'Abitibi. Tu arrives, tu ne connais personne, et au fil du temps, tu apprends à les connaître», s'enthousiasme-t-elle.
«Tout le monde apprenait en même temps. On se posait tous les mêmes questions. Je ne me sentais pas niaiseuse de poser les miennes», explique-t-elle. Cette solidarité d'apprentissage l'a aidée à surmonter ses difficultés de concentration d'autrefois.
Après son DEP, Alexia a complété une formation de quatre mois et demi en Transport par camion au Centre de formation en transport de Charlesbourg, nécessaire pour conduire les camions-nacelles. C'est lors de son stage qu'elle a été embauchée par son employeur actuel. Depuis, elle découvre graduellement les différentes facettes du métier.
Les défis d'un métier à risque

Le montage de ligne fait partie des dix métiers considérés comme les plus dangereux. «Ce qui est vraiment dangereux, c'est quand tu es inconscient du danger. Ou quelqu'un qui fait ça depuis quinze ans et qui se dit qu'il ne lui est jamais rien arrivé et qui relaxe sa vigilance», analyse Alexia avec maturité. Le respect des normes de sécurité est essentiel, peu importe l'expérience. Physiquement, le métier est exigeant. «C'est dur, mais si tu as une bonne technique, ça aide. À l'éperon, ce sont surtout les jambes qui travaillent. Tu es constamment dans le poteau avec tes jambes pour te tenir. Le lendemain, tu es raide», décrit-elle. Mais cette difficulté physique ne la rebute pas; elle fait partie du défi qu'elle recherche.
«Il faut vraiment avoir du vouloir pour faire ce métier. Toutes les femmes sont capables de le faire si elles le veulent. Les gars nous encouragent beaucoup. C'est vraiment ça qui fait la différence.»
Les qualités essentielles

Pour Alexia, réussir comme femme dans un métier encore majoritairement masculin demande plus qu’une bonne forme physique. «Il faut avoir un bon sens de l'humour. Être capable d'en prendre.» Mais l’humilité est tout aussi cruciale. Alexia ne se place jamais au-dessus des autres: «Si quelqu'un me dit que j'étais mal placée et me donne un conseil, je ne veux pas être sur la défensive. Je veux écouter et de m'améliorer.»
Le travail d’équipe occupe aussi une place centrale dans son métier. Le monteur en haut du poteau n’est rien sans le soutien de celui qui travaille au sol. «Oui, le monteur en haut travaille, mais celui en bas travaille deux fois plus parce qu'il doit penser à la prochaine étape, préparer ce qui sera nécessaire», explique-t-elle. Enfin, il faut aussi avoir la tête sur les épaules, être organisée et capable d'anticiper.
Une pionnière malgré elle
Alexia est actuellement la seule femme chez son employeur. Elle ne se considère pas comme une exception, mais plutôt comme une preuve vivante que la place des femmes se trouve partout où elles choisissent d’être. Elle n’a jamais ressenti de discrimination et se sent pleinement intégrée parmi ses collègues. Pour elle, la clé pour attirer plus de femmes dans le métier est de se laisser guider par ses passions.
Sa plus grande fierté? «Avoir fait mon cours à Sainte-Anne-des-Monts à dix-huit ans. C'était loin de chez moi, c'était un vrai défi», confie-t-elle.
«C'est important que tu aimes ça, mais c'est aussi ton environnement de travail, les gens avec qui tu travailles. Si tu as une super bonne équipe, même un job difficile devient agréable»
Un message de détermination
Le parcours d'Alexia démontre qu'avec de la volonté, de la détermination et un bon sens de l'humour, les femmes peuvent exceller dans les métiers non traditionnels les plus exigeants. Une leçon simple qui po
Le métier de monteuse de ligne, c'est quoi?
images: EnvatoLes monteuses et les monteurs de ligne installent et réparent des câbles, des transformateurs ou d’autres équipements de puissance sur les réseaux électriques et dans les postes. Ils construisent des pylônes et d’autres structures métalliques, entretiennent et réparent des équipements de câblodistribution, de téléphonie et de communication sans fil. C’est un métier essentiel qui exige un bon sens de l’équilibre, de la vigilance et la capacité de travailler en hauteur. Un emploi comme monteur de ligne convient aux personnes qui aiment le travail à l’extérieur, en équipe.
- Secteur: Électrotechnique
- Durée de la formation: 9 mois
- Salaire horaire moyen: 41.79$

Merci à Hydro-Québec pour son au soutien à la réalisation du portrait d’Alexia, présenté dans la série Pionnières de la compétence.